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Par Julie Champagne | Illustration: Anne Villeneuve
Quand je visualisais mon second accouchement, je m’imaginais comme une funambule Qui avance sur un fil de fer, un pas à la fois, sans penser au chemin Qui restait devant moi. je gardais mon équilibre en me concentrant sur mon unique certitude: ma fille m’attendait au bout de la traversée.
J’étais loin de me douter que le voyage serait aussi périlleux. Malgré une grossesse de rêve et un accouchement qui s’annonçait sous les meilleurs auspices, la nature m’a vite rappelé qu’elle avait le dernier mot. Et ce, peu importe les plans de naissance. Peu importe les techniques étudiées religieusement dans les livres.
En un claquement de doigts, la vie venait de basculer. La mienne. La sienne. Autour de moi, c’était le chaos.
Ma fille est née par césarienne d’urgence. Elle n’avait presque plus de sang dans son corps. Elle était en hémorragie chronique avant même d’avoir poussé son premier cri. Et les statistiques ne jouaient pas en sa faveur…
On pense que ce genre de catastrophe arrive seulement aux autres, surtout quand il est question d’un événement magique qu’on planifie pendant neuf longs mois. Avec le recul, cette préparation quasi olympique me semble un peu utopique. Quoi de plus imprévisible que la naissance?
«Le culte de la performance laisse sa marque jusque dans la salle d’accouchement, me confirme Chantal Bournival, psychologue. On veut contrôler, planifier… L’accouchement est parfois envisagé comme un dépassement de soi, une expérience de vie qu’on peut réussir… ou rater. Capituler pour l’épidurale ou avoir une césarienne peut être vécu comme le premier échec de notre nouvelle vie de maman.»
Devrait-on alors concevoir notre futur accouchement en envisageant tous les scénarios possibles, y compris celui où le plus beau moment de notre vie pourrait tourner au cauchemar? «La meilleure façon de se préparer, c’est plutôt de se répéter qu’on fera de notre mieux pour surfer sur les vagues qui se présenteront à nous en temps et lieu, conseille la psychologue. Il faut faire le deuil de cet accouchement visualisé dans le détail.»
Un processus que Mireille connaît bien: «Quand on m’a annoncé après 48 heures de travail que j’aurais une césarienne, j’ai beaucoup pleuré, racontetelle. J’en ai même été malade. J’ai toutefois mis ce deuil sur la glace pour m’occuper de ma puce qui nécessitait beaucoup de soins. Étrangement, c’est après la naissance de mes filles, au moyen de trois césariennes, que les regrets ont émergé. Chaque fois qu’une amie accouche naturellement, une petite voix en moi se demande pourquoi je n’ai pas eu cette chance.»
Une piste de solution pour faire le deuil de l’accouchement souhaité? Partager. Raconter. Assumer sa vulnérabilité.
«Un accouchement n’est jamais tout noir ou tout blanc, rappelle Chantal Bournival. On gagne à en parler dans toutes ses nuances, au lieu de vouloir se montrer forte à tout prix. C’est libérateur pour nous et rassurant pour les autres mamans!»
«Avec le recul, cette préparation quasi olympique me semble un peu utopique.»
Si le déroulement d’un accouchement échappe en grande partie à notre contrôle, mieux vaut donc remplacer les attentes et les plans réglés au quart de tour par la confiance et le lâcherprise. Une excellente répétition générale pour notre futur rôle de maman, où on ne contrôle ni les coliques ni les heures de sommeil, mais où on se laissera simplement porter par notre nouvel amour inconditionnel.
Coup de pouce | Novembre 2016 | Page 97 | Version PDF